Rawhide - L'attaque de la Malle-Poste (1951), de Henry Hathaway.

De nouveau la forme Western ne sert que de support. En vérité les thématiques du Western sont absentes de ce film et nous sommes en présence d'un film noir aux thématiques habituellement rencontrée dans des décors urbains. Il s'agit quasiment d'un huis-clos à suspens dans lequel des gens ordinaires sont confrontés à la violence de leurs preneurs d'otages.
L'histoire est simple. Une diligence transportant de l'or va s'arrêter pour se ravitailler, dans un relai isolé en plein désert. Quatre bandits prennent en otage les occupants de ce relais afin de tromper la vigilance des cochers de la malle-poste pour pouvoir la cambrioler.
Et la première chose qui frappe l'esprit c'est la qualité remarquable du casting ! Hormis le personnage de la femme qui est interprété par Susan Hayward dans la lignée du type de femme forte et décidée qu'elle joue souvent, la totalité des autres rôles sont des contre emplois. Le salaud est joué par un type qui a une tête de premier communiant, ce qui ajoute à l'angoisse du spectateur : il est beau, il est intelligent, il est cultivé ... et il est violent et malfaisant. Cette violence ne peut que prendre des formes inattendues. Ses trois comparses qui incarnent tous une forme d'imbécilité, sont joués pour les deux premiers par des acteurs habitués aux rôles de gentils. Tyrone Power, archétype du héros jeune premier, joue ici un rôle de type un peu effacé, presque raffiné et précieux, soucieux de son apparence dans un monde de brutes, semblant balloté par ses ravisseurs, sans réagir de prime abord à leurs ordres et brimades (une sorte d'inversion du rapport traditionnel homme-femme dans le couple qu'il interprète avec Susan Hayword).
Et là vous me dites, Syber tu as bien parlé de trois comparses ? Bien vu !

Le troisième larron de cette équipe de bras cassés, le psychopathe de la bande, pervers sexuel, inconséquent dans ses actes, est Jack Elam dont c'est le premier rôle officiel. Jack Elam ... mais si, "Il était une fois dans l'ouest", l'attente du train, la mouche ...

Et il crève l'écran ! C'est lui dont on se souvient immanquablement en se remémorant ce film ! J'y reviendrai par la suite.
Après avoir réalisé que ce casting est remarquablement choisi, on constate à quel point le film est non seulement angoissant, maîtrise plutôt bien que mal le suspens en accumulant les histoires dans l’histoire, les péripéties afin que le spectateur soit mis dans un état de doute permanent sur la manière dont va se dérouler l'argument principal et comment il va se conclure, mais également le film est d'une rare violence. Une violence psychologique mais également une violence physique âpre et sèche. Comme dans Raw Deal, les combats sont à peine scénarisés. Ils sont véridiques et durent quelques secondes, le temps de recevoir un coup de poing qui assomme ou une balle qui tue. Ce film a été interdit aux moins de 16 ans à sa sortie en France et interdit tout court dans certains pays ! C'est dire !
Vous me direz que cette violence doit être datée dorénavant car on a vu bien pire depuis. Et bien, non ! Ce film comporte une scène mythique, une scène qui met mal à l'aise plus d'un demi siècle plus tard. Une scène dont on se demande si il serait possible qu'elle soit tournée de nos jours dans les conditions d'alors. Dans cette scène, Jack Elam tire sur un enfant de 3 ans qui gambade dans la cour du relais. Il vise volontairement à côté pour mettre la pression à Tyrone Power dans un duel, mais on voit clairement par trois fois les jets de poussières sur le sol et le bébé qui a peur et pleure à chaque explosion ... !
Difficile d'enchaîner après ça sur la suite de l'analyse. Et pourtant il faut bien parler de la mise en scène extrêmement ingénieuse de ce huis-clos. L'exploitation habile des miroirs aux murs du relais pour sur un seul plan avoir le champ et le contre champ d'une action. La chambre où sont enfermés nos héros est incroyable elle aussi. Elle possède trois fenêtres sur trois murs. Hors ces fenêtres - est-ce une exploitation d'un décor réel ou bien s'agit-il d'un décor intentionnel ? - ressemblent à des meurtrières horizontales avec des barreaux. Elles permettent à nos héros de suivre l'action au dehors du relais en se hissant sur la pointe des pieds et permet également des plans en enfilade très astucieux ou Jack Elam sur le perron du relais surveille par une meurtrière Susan Hayword enfermée dans sa chambre, qui elle même regarde l'action qui se passe au dehors en regardant par une seconde meurtrière. L'effet de suspens et de trouble est réussi. Jack regarde Susan pour les raisons que l'on imagine (il va l'agresser plusieurs fois dans le film). Susan ne sait pas qu'elle est observée tout en surveillant ce qui se passe dehors afin de préparer son évasion. Jack ne sait pas ce que voit Susan mais il doit empêcher son évasion.
Tout ça en un seul plan !

Un dernier point. Le scénariste est celui de "La Chevauchée Fantastique" de Ford : Dudley Nichols. Rawhide n'est pas aussi réussi, mais c'est vous dire que son scénario est solide.