Hamlet (1964) de Grigori Kozintsev sur une musique de Dimitri Chostakovitch. 140 minutes.
Dernière version en ma possession des adaptations cinématographiques de ce chef d'œuvre de Shakespeare. Et encore une autre manière d'aborder le sujet. On revient cette fois au moyen âge pour placer l'action, comme pour la version de Laurence Olivier, au noir et blanc dont les contrastes élevés conviennent à mon avis bien à la thématique de la pièce (To Be or Not to Be ...), mais cette fois au format cinémascope. Un château médiéval est construit au bord d'une falaise pour servir de décor à l'action. Comme dans la version de 1948, ce décor sert à exprimer les sentiments tourmentés des personnages. Mais cette fois-ci l'océan tantôt calme, tantôt déchainé rend encore plus lisible les intentions des scènes.
Les 5 premières minutes du film donnent immédiatement le ton du film et la manière dont Kozintsev a abordé son adaptation. Il trouve une troisième voie, différente de celle de Olivier (respect du texte mais coupes franches pour faire tenir le film dans 155 minutes, au risque d'être un peu perdu parfois dans le déroulé de l'histoire), et celle de Branagh (respect intégral du texte pour en faire un film de 242 minutes, au risque de fatiguer le spectateur ; ce qui fut mon cas, je le confesse).
Kozintsev débute son film par un magnifique plan en contre plongée d'une vague venant inlassablement frapper la falaise. L'ombre portée par le soleil sur les remparts de la forteresse d'Elsemeur, se confond exactement avec la crête formée par l'écume de la vague. Ca vous pose le film en quelques secondes en annonçant les drames qui vont frapper le château en série. Puis on voit le Prince Hamlet traverser la lande à cheval au galop avec sa garde. Il est accueilli au château par la Reine et tandis qu'il se précipite vers elle, on voit en arrière plan se dérouler un oriflamme noir qui indique le deuil. S'en suit un plan des canons sur les remparts tirant une salve. On comprend que le Roi est mort !
Le tout sous la musique de Chostakovitch.
Vous l'avez sans doute compris : pas un mot n'est prononcé à l'inverse des films de Olivier et Branagh ! Kozintsev fait réellement une adaptation cinématographique du texte de Shakespeare. Ce qui réclame une très fine compréhension de celui-ci.
Ce qui nous amène à rappeler cette idée mainte fois émise sur la faculté particulière qu'ont les cinéastes étrangers à adapter les grands textes qui ne sont pas de leur langue maternelle car ils n'ont pas le poids d'une culture qui les oblige à respecter à la lettre un texte fondateur pour un peuple.
Inutile de préciser au vu de mon enthousiasme bien lisible qu'il s'agit de ma version préférée des trois versions dont je vous parle ici. Ces trois films que j'aurais vu en moins de deux semaines, au passage. Et que des trois films de Kozintsev, Don Quichotte, le Roi Lear et Hamlet, ce dernier est le plus réussi.
Il faudra vous armer de patience pour trouver le DVD avec ses sous-titres français, j'aurai mis près d'un an à le pister sur le net ! Attention, le film est en deux parties et on trouve sur Amazon ou Leboncoin uniquement la première partie qui ne vous sera que de peu d'utilité.